Du désespoir.

Publié le par Gaetanne42

   4502872131_11d66d38af.jpg

 

« Un fripon, disait quelqu’un,

ne se tue pas pour si peu. »

 

     Ce n’est pas la 1ère fois, ni la dernière qu’un honnête homme se croit déshonoré, se donne la mort, et est pleuré de ceux-là mêmes dont il se croyait méprisé.

Je cherche, au sujet de ce drame qui sera longtemps présent à nos mémoires, ce qui fait que l’homme qui veut être juste et raisonnable semble souvent n’avoir dompté certaines passions que pour être attaqué et vaincu par d’autres ; et aussi par quelles pensées il pourrait combattre le désespoir.

 

Juger d’une situation, poser un problème difficile, en chercher la solution, ne point la trouver, ne savoir à quoi se résoudre, tourner dans les mêmes pensées comme un cheval au manège, cela seul, direz-vous, est un tourment, et l’intelligence a des pointes aussi pour nous piquer. Non, point du tout. Il faut justement commencer par ne point tomber dans cette erreur là. Il y a beaucoup de problèmes où l’on ne voit rien ; et l’on s’en console aisément.

 

Un conseil, un liquidateur, un juge peuvent très bien décider qu’une affaire est sans espérance, ou même ne rien pouvoir décider, sans perdre l’appétit ni le sommeil.

Ce qui nous blesse, dans des pensées inextricables, ce ne sont pas les pensées inextricables, c’est plutôt une espèce de lutte et de résistance contre cela même, ou, si vous voulez, un désir que les choses ne soient pas comme elles sont.

 

Dans tout mouvement de passion, je crois qu’il y a une résistance contre l’irréparable. Par exemple, si quelqu’un souffre d’aimer une femme sotte, ou vaniteuse ou froide, c’est qu’il s’obstine à vouloir qu’elle ne soit pas comme elle est. De même lorsqu’une ruine est inévitable et qu’on le sait très bien, la passion veut espérer, et ordonne en quelque sorte à la pensée de refaire encore une fois la même route, afin de trouver quelque bifurcation qui conduise autre part. Mais le chemin est fait : l’on en est justement où l’en est ; et, dans les chemins du temps, on ne peut ni retourner en arrière, ni refaire 2 fois la même route.

 

Aussi je tiens qu’un caractère fort est celui qui se dit à lui-même où il en est, quels sont les faits, quel est au juste l’irréparable, et qui part de là vers l’avenir. Mais ce n’est pas facile, et il faut s’y exercer dans les petites choses ; sans quoi la passion sera comme le lion en cage, qui pendant des heures piétine devant la grille, comme s’il espérait toujours, quand il est à un bout, qu’il n’a pas bien regardé à l’autre.

Bref, cette tristesse qui naît de la contemplation du passé ne sert à rien et est même très nuisible, parce qu’elle nous fait réfléchir vainement et chercher vainement.

 

Spinoza dit que le repentir est une seconde faute.

 

« Mais, dit l’homme triste, s’il a lu Spinoza, je ne puis toujours pas être gai si je suis triste ; cela dépend de nos humeurs, de ma fatigue, de mon âge et du temps qu’il fait. »

 

Bon. Dites-vous cela à vous-même, dites-vous sérieusement cela ; renvoyez la tristesse à ses vraies causes ; il me semble que vos lourdes pensées seront chassées par là, comme des nuages par le vent. La terre sera chargée de maux, mais le ciel sera clair ; c’est toujours autant de gagné ; vous aurez renvoyé la tristesse dans le corps ; vos pensées en seront comme nettoyées. Ou disons, si vous voulez, que la pensée donne des ailes à la tristesse et en fait un chagrin planant ; tandis que par ma réflexion, si elle vise bien, je casse les ailes, et je n’ai plus qu’un chagrin rampant. Il est toujours devant mes pieds, mais il n’est plus devant mes yeux.

 

Seulement, voilà le diable, nous voulons toujours un chagrin qui vole bien haut.

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article