La manipulation du goût.

Publié le par Gaetanne42

 

  fleur-et-ciel.jpg  Une nourriture à base de denrées naturelles, riche en glucides complexes, en fruits et en légumes, bref une nourriture de régime selon certains ne serait acceptable que par ceux qui négligent le plaisir de manger.

 

A l’opposé, de nombreux aliments transformés ne seraient certes pas idéaux sur le plan nutritionnel mais au moins ils seraient bons ! La maîtrise du goût facile est donc devenue un enjeu industriel majeur. Sur le plan gastronomique, on sait à quel point il faut de bons produits de base, les plus frais et les plus complémentaires possibles pour faire de la bonne nourriture. Le sel, le gras, les épices, les aromates naturels ne peuvent pallier les insuffisances éventuelles de qualité des ingrédients de base. C’est pourtant le rôle qui est souvent dévolu au trio infernal sucre-sel-gras si abondamment utilisé.

 

Que d’encouragements démagogiquement de la part des gastronomes médiatiques à donner du goût avec du gras, combien de recettes sans imagination préconisant des quantités excessives de beurre, de crème ou de sucre !

 

En plus de ces travers fort répandus, le secteur agro-alimentaire a découvert l’avantage des arômes purifiés pour maîtriser le goût des aliments, si bien que plus de la moitié des aliments transformés sont maintenant enrichis en arômes. Pour faire plus vrai, les arômes sont parfois accompagnés de colorants dans les préparations lactées, les glaces & les biscuits. Le consommateur est ainsi largement trompé, allant même (surtout les enfants) à trouver bien fades des préparations ou des fruits naturels.

 

Nous voici parvenus dans le meilleur des mondes alimentaires, un monde où la saveur d’un produit est sans rapport avec son contenu et sa valeur nutritive réels.

Ce monde, c’est celui des pizzas surgelées, des soupes instantanées, des plats préparés, des desserts lactés, des petits pots pour bébé, des aliments allégés, des boissons aromatisées.

 

C’est celui des aliments industriels dont le goût doit plus à l’habileté des chimistes qu’à l’art des cuisiniers.

 

Ainsi, une certaine façon d’exhausser mes qualités organoleptiques (critère d’un produit pouvant être apprécié par les sens) des aliments par le sel, le sucre, le gras ou les arômes est artificielle et n’offre aucune garantie de qualités nutritionnelles.

 

Quels sont les effets directs ou indirects sur la Santé de ces produits à la saveur truquée ?

 

Comment l’organisme réagit-t-il lorsqu’il est trompé par des aliments virtuels ?

 

N’y a t-il pas une relation entre le développement de l’obésité, certaines allergies ou le piètre statut nutritionnel d’une partie de la population avec ce type de pratiques.

 

Au-delà de notre Santé, ce sont nos choix et nos habitudes alimentaires que l’industrie manipule. Grâce aux arômes et à la publicité, elle nous fait avaler les préparations les plus quelconques et s’assure notre fidélité à ces produits ; pis, les plus culottés de ces marchands déguisent leurs produits en vecteurs d’équilibre et de Santé.

 

Evidemment, qualité nutritionnelle et organoleptique peuvent être parfaitement accordées dans les produits de base (viande, lait, fruits, légumes, œufs) mais aussi dans la cuisine préparée avec une grande diversité d’aliments ou d’ingrédients de qualité. L’apparent antagonisme entre qualité nutritionnelle et qualité organoleptique est souvent mis en avant pour objecter que l’on ne peut s’offrir du nutritionnellement bon sans altérer le plaisir.

 

Il faudrait plutôt souligner que plus les produits sont de faible valeur nutritionnelle, plus leurs qualités organoleptiques demeurent simplistes.

 

Comparez-donc le goût d’une glace aux fruits naturels à celui d’une glace aux arômes artificiels, et vous classerez qualité nutritionnelle et organoleptique du même côté.

Il semble donc anormal de forcer le goût des aliments sans relation avec leur valeur nutritionnelle intrinsèque.

 

La manipulation du goût des produits transformés mais aussi l’altération du goût des produits de base sont les défauts récurrents de notre chaîne alimentaire.

La perte des repères organoleptiques est un des ressentis les plus troublants pour beaucoup de consommateurs.

 

Ce désarroi concerne parfois le goût des fruits & légumes dont l’apparence extérieure est pourtant fort attrayante. Ce type de désappointement, largement répandu vis-à-vis du goût des tomates, des pommes ou du pain de mauvaise qualité est rassurant sur la capacité des populations à réagir face aux dérives des systèmes de production intensifs.

 

Cependant, si le type d’offre alimentaire actuel persiste, il est probable que la normalité des goûts évolue, sous le poids des habitudes et du temps, vers les aliments standards omniprésents. Cette évolution n’est pas sûre ; pour quelques groupes de population, des goûts typés pourraient demeurer fortement ancrés dans une sorte de patrimoine alimentaire. Ainsi, la quête de certaines caractéristiques organoleptiques pourrait longtemps être recherchée.

 

Dans un esprit d’alimentation durable et d’une bonne gestion du plaisir de manger, il devrait être admis que le goût des aliments demeure une de leurs qualités naturelles qui nous renseigne sur leur aptitude à être bons à manger.

 

Cet enjeu nécessiterait de  demander au secteur agro-alimentaire d’adopter de meilleures pratiques qui ne trompent pas le consommateur et au secteur agricole de produire des denrées alimentaires d’excellente qualité…

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